Comprendre la baisse d’impôt de 1%

D’emblée, je viens de terminer la lecture d’un petit roman d’apprentissage qui s’intitule : UN QUÉBEC ENGAGÉ, plan budgétaire, mars 2023, votre gouvernement ⚜️ Finances Québec. C’est un livre court de 472 pages, facile à lire, et celui-ci fut complètement époustouflant ! Inutile de vous dire que si vous souffriez d’insomnie, la lecture de ce document sera invariablement votre potion magique.

A priori, revenons aux choses plus sérieuses. Ultimement, la réaction émotionnelle viscérale au sujet de la diminution de 1% des deux premiers barèmes d’imposition démontre que les Québécois.es sont entièrement dévoués à l’idée de leurs filets de sécurité sociale. Dans cette optique, selon plusieurs, c’est à notre gouvernement d’agir en bon parent. Et, sur ce, nous avons été témoin à un drame familiale : certains de nos proches se sont révoltés pour finalement dire au monde qu’ils ne sont pas tout à fait d’accord avec la nouvelle politique fiscale de leur gouvernement.

En outre, je me demandais si le puissant électro-choc réactionnel n’était que de l’insécurité financière de nos concitoyens ou s’il était justifié, même nécessaire. À cet égard, analysons ensemble les arguments évoqués et répétés à profusion, dans les médias sociaux, contre cette diminution d’impôts historique.

Manque d’équité envers moins nantis

Mettons tout de suite les choses au point : le support financier, pour les moins nantis, est légendaire au Québec. Au premier abord, l’aide sociale peut vous aider pendant une période prédéterminée. Lorsque vous êtes prêt.e à retourner au travail, il y a un deuxième niveau d’aide qui s’appelle la prime au travail (ci-après « PT »). Plus que cela, il y a un troisième niveau d’aide, soit la synchronisation de la PT avec l’allocation canadienne du travail.

Cela dit, « attachez votre tuque », il y a un quatrième niveau d’aide, soit le bouclier fiscal. Bien entendu, il ne faut pas oublier l’allocation pour enfants, le crédit de solidarité, le crédit de TPS/TVQ, la mesure ponctuelle du coût de la vie en 2022 et dans certains cas, une aide subventionnelle au logement.

Toutes les mesures confondues ensemble, il me semble qu’il est complètement absurde de croire que le gouvernement québécois n’en fait pas assez pour les moins nantis de notre société. Bref, rajouter encore une fois d’autres couches d’aide; c’est créer des monstres, tels que le paradoxe des trappes à l’inactivité et celle à la pauvreté, qui invariablement sera en fin de compte incontrôlable.

Moins nantis Célibataire

($/an)

Couple

($/an)

Mesure inflation Seul/Couple Baisse impôt 1%
Aide sociale 11,076$ 17,172$ Uniforme 0$
Prime au travail 2,400$ 4,800$ Uniforme N/D
Allocation Canadienne travail 1,428$ 2,461$ Uniforme  N/D
Bouclier fiscal Variation Variation Uniforme  N/D
Allocation enfants (Canada & Québec) 0$ 18,976$ Uniforme N/D
Crédit solidarité Variation Variation Uniforme N/D
Crédit TPS Variation Variation Uniforme N/D
Total plancher minimum 11,076$ 36,148$ 500$/1000$ 0$

 

Manque d’équité envers les familles

La devise du Québec devrait être remplacée par :  « Nirvana pour les familles ». La véracité de mes propos semble tenir la route lorsque nous sommes en présence d’un salaire familial moyen inférieur à 100,000$/année. Primo, avant tout, il est important de mentionner que le salaire moyen (ci-après « SM »)  au Québec est de 70,128$, soit 94.72% du SM du Canada. En revanche, il y a de notre part une perte de productivité et celle-ci est structurelle de nature.

C’est d’ailleurs, la charge d’impôt net, qui nous permet de statuer sur la qualité de vie de nos familles au Québec. En simple, c’est la somme de nos impôts respectifs avec nos cotisations sociales, moins, le versement de nos prestations reçu de nos deux paliers de gouvernement. Il est important de noter que le gouvernement québécois se distingue des autres provinces, car nous sommes beaucoup plus généreux avec nos allocations ainsi que plusieurs de nos crédits d’impôt.

Dans cette veine, la poule aux œufs d’or au Québec patauge dans l’intervalle de la première tranche de la classe moyenne. Nous avons, de loin, la charge d’impôt familiale la plus faible dans l’écart entre 40,000$ jusqu’au SM. Au-delà du SM, nous progressons, tranquillement, vers la moyenne normale de la charge d’imposition canadienne. Une fois arriver au revenu familial de 120,000$/année, à plus forte raison, nos charges d’impôt deviennent beaucoup plus lourdes, et ce, comparativement aux autres provinces canadiennes.

D’autre part, un choix politique a été fait par nous, soit qu’il est juste et équitable que nos couples sans enfants ainsi que nos célibataires payent une charge d’impôt beaucoup plus élevé que nos jeunes familles québécoises avec enfants. Certes, il est facile à comprendre pourquoi : c’est politiquement rentable au Québec de vouloir capitaliser sur le désir de l’entraide familiale. D’ailleurs, évitons tout malentendu, si je dis cela, c’est que notre vision culturelle est « sensiblement » différente des autres provinces.

Salaire moyen familiale
Mesure inflation (Seul/Couple) Baisse impôt 1% Aide fiscal % du revenu
Monoparentale deux enfants 46,986$ 500$ 293$ 1.69%
Couple deux enfants 117,113$ 1000$ 1058$ 1.75%
Couple deux enfants 70,128$ 1000$ 716$ 2.44%
Couple deux enfants 140,256$ 1000$ 1058$ 1.46%
Couple sans enfants 117,114$ 1000$ 1058$ 1.75%
Célibataire sans enfants 46,986$ 500$ 298$ 1.69%
Célibataire sans enfants 70,128$ 500$ 358$ 1.22%
Célibataire sans enfants 117,113$ 0$ 814$ 0.70%
Couple 200,002$ 0$/500$ 814$/1284$ 0.41%/0.89%

Inspiration : Tommy Gagné-Dubé, Bilan de la fiscalité au Québec – Édition 2023 (2023), Cahier de recherche 2023-02, Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques, 93 p

Baisse d’impôt pour les plus nantis

A contrario de ce que j’ai lu dans les médias sociaux, il est faux de prétendre que cette baisse d’impôt cible les plus nantis de notre société. Selon cette ligne de tir, il faut évaluer toutes les mesures fiscales les plus importantes en 2022-2023, soit la baisse d’impôt de 1% ainsi que la mesure reliée à l’inflation (l’aide au coût de la vie). La résultante de ces mesures ponctuelles est l’unification d’une aide fiscale qui est régressive à la recrudescence salariale dans le cadre de votre situation familiale.

Or, tout étant égal par ailleurs, est-il pragmatique de vouloir baisser les impôts ? La Chaire en fiscalité et en finance publique (ci-après « CFFP ») publie chaque année un graphique qui s’intitule : l’écart net du fardeau fiscal des contribuables québécois. En simple, cette mesure a pour objectif de voir la variation du fardeau fiscal des ménages québécois en appliquant les structures d’impôts et de transferts des autres gouvernements provinciaux.

Ce faisant, le québécois moyen économise en moyenne 10,682$ avec l’application des barèmes d’imposition ontariens. En surcroit, l’accélération maximale des économies d’impôt face aux barèmes d’imposition de l’Alberta est de l’ordre de 23,432$. Avec 23,432$ en économie d’impôt, clairement, vous pouvez engager un.e « nanny » et le.a caché dans votre sous-sol si vous avez besoin d’une aide avec vos jeunes enfants ! Considérant l’ampleur de ces différences d’impôts, il est logique de se questionner sur l’efficacité de nos services à collectivité.

En somme, les moins nantis de notre société ont un soutien financier très progressif; nos familles au Québec ont une charge d’impôt net relativement basse; en bout de piste, c’est notre classe moyenne qui supporte et finance la majorité de notre fardeau fiscal. Inutile de vous dire, dans le cas de notre baisse d’impôt de 1%, qu’il demeure logique de bien vouloir nous donner une « tape dans le dos ». Nonobstant mon commentaire, désormais, il faut se poser la question suivante; est-ce le bon temps ?

Mauvais « Timing »

Selon le narratif du ministre des Finances, soit monsieur Éric Girard, il sera possible de capitaliser sur l’effet multiplicateur de cette baisse d’impôt 1% pour stimuler la macro-économie québécoise. Face aux questions pointues des médias, celui-ci semblait faire un peu de patinage artistique verbal. Certes, je peux comprendre pourquoi; la logique est sensiblement boiteuse :

D’abord, si votre objectif est de stimuler l’économie, il faut plutôt cibler l’aide fiscale aux moins nantis de notre société. Ultimement, c’est eux, en fait, qui dépensent le plus sur les biens de consommation ainsi que les produits discrétionnaires dans notre économie.

Ensuite, en vertu du faible montant de la baisse d’impôt, il y a de forte chance que celle-ci soit absorbée, sans impact stimulant, dans notre économie. Si ce n’est pas le cas, il y aura invariablement, des risques d’aggravation face à l’indice des prix à la consommation.

Puis, pour ce qui est d’une récession au deuxième ou troisième trimestre , nous n’avons pas encore maitrisé l’inflation qui semble être structurelle en nature. En surcroit, la réalité est que le remède appliqué par nos banques centrales ne permet pas de cibler les vrais problèmes liés à l’inflation et, par ricochet, il pourrait y avoir des conséquences inattendues.

Nous-aurions-donc-du ?

C’est simple: il ne faut pas emprunter du fond des générations pour cette baisse d’impôt. Deviner ce qui se produira ? Nous allons éliminer notre déficit structurel plus rapidement que prévu, après, on baisse les impôts.

Résumons donc : les aides aux moins nantis de notre société sont légendaires ; le Québec est le « paradis pour les familles »; c’est la classe moyenne au Québec qui « donne sa chemise »; notre gouvernement a voulu donner un « bonbon » à ceux qui supportent notre fardeau fiscal; mais notre « timing est  poche ». Voilà, la prochaine fois, débuter par la fin, c’est plus vite !