Le poids, la force et l’influence du français au Québec sont dominants sur ses utilisateurs.
Les retombées du recensement linguistique 2021 de Statistique Canada sont bien documentées dans les médias québécois : une pléthore d’articles de presse, de reportages et d’articles d’opinion faisant état d’un déclin du français parlé au Québec. Or, très peu d’encre a été coulée, pratiquement aucune plume acérée ni de critique journalistique n’a été appliquée pour contrebalancer ce grand récit populaire.
Pourquoi était-ce important de bien vouloir pencher la balance ?
D’abord, lorsque nous bombardons le peuple québécois d’une manière incessante de nouvelles négatives, directement en lien avec leur vecteur identitaire, certains membres de la population générale vont afficher une augmentation notable de leur niveau d’anxiété et, par ricochet, il y aura une recrudescence des insécurités linguistiques.
Ensuite, la répétition d’idées, de concepts ou de processus spécifiques, répétés à profusion dans les médias, entraine un effet hypnotiseur puissant lorsqu’il est utilisé correctement; les gens commenceront à modifier l’état de leur conscience et ils croiront tout ce que vous leur dites.
Déclin ou pas ?
A priori, définissons le mot, fréquemment utilisé dans les médias, pour exprimer l’état de notre français au Québec. Selon le dictionnaire en ligne de Larousse, le concept du mot déclin, est défini de la manière suivante: « Fait de se terminer, de décliner, état de ce qui diminue de valeur, de grandeur, d’éclat, de puissance ». Bref, c’est une perte graduelle et continue, une perte de force et une diminution de son nombre, en lien avec notre qualité et/ou avec notre valeur attitrée.
Sur ce, commençons par l’analyse des mots graduels et continus dans la définition du concept du déclin de la langue française au Québec.
De prime d’abord, Pierre Fortin, professeur émérite d’économie à l’Université du Québec de Montréal («UQAM»), et Gilles Grenier, professeur à l’Université d’Ottawa, a démontré dans leur analyse du recensement linguistique de 2021 que le déclin de la langue française n’est pas un phénomène graduel et continu dans le temps.
La réalité brute chiffrée est que l’immigration est la clé du succès pour le Québec. C’est-à-dire, les statistiques démontrent qu’il faut accueillir au Québec plus de personnes francophones pour contrebalancer les Québécois qui ultérieurement deviendrons des unilingues anglicisés.
À cet égard, en utilisant les données statistiques de 2021, les professeurs en question ont constaté que l’importance de la langue française a augmenté dans les générations successives d’immigrants jusqu’en 2016, mais celle-ci a diminué de 2016 à 2021. De plus, ils sont d’accord avec le professeur en sociolinguistique de l’UQAM, soit Calvin Veltman, que les résultats linguistiques actuels peuvent surestimer la baisse de l’utilisation de langue française au Québec.
Il va sans dire; un recensement défavorable – si c’est effectivement le cas – envers la langue française chez nous, ne répond pas nécessairement à la définition du mot de déclin présentement. De plus, si le recensement actuel surestime cette baisse, il serait responsable d’attendre le prochain recensement de Statistique Canada avant de déclarer unilatéralement une utilisation réduite de la langue française au Québec.
Cela est particulièrement vrai compte tenu de l’intégration des nouvelles précisions linguistique dans le nouveau recensement 2021.
Dans le même ordre d’idées, poursuivons l’analyse de notre définition du mot déclin avec la signification des mots : une perte de force et une diminution de son nombre. Entre nous, soit dit : pensez ce que vous voulez au sujet de notre gouvernement fédéral actuel; cependant, notre premier ministre Justin Trudeau a raison de dire que le Québec a tous les outils législatifs et linguistiques nécessaires pour garder son territoire culturellement québécois et francophone.
Quand on demande aux gens ce qui a permis aux Québécois de rester francophones pendant toutes ces années, en général, les gens sont prompts à souligner les multiples réalisations législatives comme la loi 101. À la base, la source primaire du maintien du français au Québec; c’est d’abord et avant tout la volonté et la détermination de son peuple à demeurer francophone. Les réalisations législatives ne sont qu’un sous-produit, un outil, un accessoire à sa vision et à sa mission de demeurer francophone.
Pourquoi cette nuance est-elle importante?
Principalement, le facteur critique dans l’évaluation de la force du peuple québécois, c’est le poids de sa population. À mesure que la population francophone augmente, vous augmentez le potentiel des utilisateurs de langue française au Québec. Indéniablement, il y aura des fuites vers la cohorte anglophone; mais, l’architecture de nos politiques linguistiques et d’immigration mise en place depuis 50 ans aura pour but d’intégrer les nouveaux Québécois et d’aider ceux qui sont en place de demeurer francophone.
En fait, c’est précisément ce qui s’est passé au Québec depuis la fin des années 1970; le poids de notre population, désormais, influence les nouveaux utilisateurs à choisir le français sur notre territoire.
En revanche, disons-le franchement : l’état du français au Québec est plus fort que jamais. Pour faire, ça court; lorsque le premier recensement linguistique a été introduit en 1971, il y avait 4,73 millions de francophones sur notre territoire, et maintenant, il y en a 6,71 millions. À cette fin, cela représente une croissance vigoureuse de notre population de 42 %, et ce, sur une période de 52 ans.
Source : Calvin Veltman
Parallèlement, les anglophones ont subi une perte de force et d’influence durant cette même période. En fait, la croissance de la population de leur cohorte fut de l’ordre de 18%. Mais, lorsque nous calculons le poids relatif de la cohorte francophone versus celle des anglophones, la langue française a augmenté son influence de 19.67%.
Dans cette perspective, la source première de croissance de la cohorte anglophone – soit la croissance de la population de 18% citée ci-haut – sont les nouveaux Québécois qui parlent d’autres langues. Or, les allophones qui décident de rester au Québec choisissent le français beaucoup plus qu’auparavant; ils ont tendance à vouloir accepter la condition sine qua non de l’apprentissage de la langue française au Québec.
Cela étant dit, il n’est pas nécessaire de tenir compte de la cohorte allophone dans le comparatif linguistique à long terme. D’abord, ils devront choisir à prioriser l’une des deux langues officielles du Canada. Ensuite, les études démontrent qu’il y a un très fort degré de convergence, après quelques générations au Canada, vers l’une de nos deux langues officielles.
Avouons-le; choisir de demeurer en permanence au Québec, sans pouvoir parler et prioriser le français, s’avère comme une tâche ardue et plutôt complexe de nos jours. Sans jugement d’un côté ou de l’autre; c’est la réalité.
Et, après, nous devons discuter maintenant d’une autre des conditions nécessaire à la qualification du mot déclin; soit celle de la diminution de la qualité et de la valeur des Québécois. Selon cette ligne de tir, la qualité et la valeur de notre patrimoine sont des caractéristiques intangibles; elles sont subjectives et ne peuvent être facilement mesurées dans les statistiques.
Depuis la Révolution tranquille : les Québécois ont surtout rattrapé leurs homologues anglophones québécois en pourcentage d’études supérieures; la plupart des entreprises sur son territoire appartiennent à des utilisateurs de langue française au Québec; il y a accumulation d’une richesse intergénérationnelle; et enfin, il y a acceptation, depuis quelques années, de la part de nos cousins que notre variante linguistique québécoise est bel et bien une langue et non un dialecte.
Somme toute, le récit du déclin perpétué dans les médias québécois doit être nuancé. Au bout du compte, nous avons sécurisé notre place en Amérique du Nord et il est statistiquement impossible de nous voir disparaitre de cette planète. Au Québec, notre poids est devenu une force et celle-ci influence les utilisateurs de notre langue.
Sources :
https://theconversation.com/la-loi-96-ne-changera-rien-a-la-dynamique-linguistique-au-quebec-183903
https://theconversation.com/langlais-progresse-au-quebec-depuis-2001-et-le-francais-aussi-185851